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Le rouge et le noir (2e partie)
Stendhal
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Cette résolution subite laissa madame de Rênal toute pensive. C’était une femme grande, bien faite, qui avait été la beauté du pays, comme on dit dans ces montagnes. Elle avait un certain air de simplicité, et de la jeunesse dans la démarche. Aux yeux d’un Parisien, cette grâce naïve, pleine d’innocence et de vivacité, serait même allée jusqu’à rappeler des idées de douce volupté. Si elle eût appris ce genre de succès, madame de Rênal en eût été bien honteuse. Ni la coquetterie, ni l’affectation, n’avaient jamais approché de ce cœur. Monsieur Valenod, le riche directeur du dépôt, passait pour lui avoir fait la cour, mais sans succès. Ce qui avait jeté un éclat singulier sur sa vertu, car ce Monsieur Valenod, grand jeune homme, taillé en forces, avec un visage coloré et de gros favoris noirs, était un de ces êtres grossiers, effrontés et bruyants, qu’en province on appelle de beaux hommes. Madame de Rênal, fort timide, et d’un caractère en apparence fort égal, était surtout choquée du mouvement continuel, et des éclats de voix de Monsieur Valenod. L’éloignement qu’elle avait pour ce qu’à Verrières on appelle de la joie, lui avait valu la réputation d’être très-fière de sa naissance. Elle n’y songeait pas, mais avait été fort contente de voir les habitants de la ville venir moins chez elle. Nous ne dissimulerons pas qu’elle passait pour sotte aux yeux de ces dames, parce que, sans nulle politique à l’égard de son mari, elle laissait échapper les plus belles occasions de se faire acheter de beaux chapeaux de Paris ou de Besançon. Pourvu qu’on la laissât seule errer dans son beau jardin, elle ne se plaignait jamais. C’était une âme naïve, qui jamais ne s’était élevée même jusqu’à juger son mari, et à s’avouer qu’il l’ennuyait. Elle supposait, sans se le dire, qu’entre mari et femme il n’y avait pas de plus douces relations. Elle aimait surtout Monsieur de Rênal quand il lui parlait de ses projets sur leurs enfants, dont il destinait l’un à l’épée, le second à la magistrature, et le troisième à l’église. En somme, elle trouvait Monsieur de Rênal beaucoup moins ennuyeux que tous les hommes de sa connaissance. Ce jugement conjugal était raisonnable. Le maire de Verrières devait une réputation d’esprit et surtout de bon ton, à une demi-douzaine de plaisanteries dont il avait hérité d’un oncle. Le vieux capitaine de Rênal servait avant la Révolution dans le régiment d’infanterie de Monsieur le duc d’Orléans, et, quand il allait à Paris, était admis dans les salons du prince. Il y avait vu madame de Montesson, la fameuse madame de Genlis, Monsieur Ducrest, l’inventeur du Palais-Royal. Ces personnages ne reparaissaient que trop souvent dans les anecdotes de Monsieur de Rênal. Mais peu à peu, ce souvenir de choses aussi délicates à raconter était devenu un travail pour lui, et depuis quelque temps, il ne répétait que dans les grandes occasions ses anecdotes relatives à la maison d’Orléans. Comme il était d’ailleurs fort poli, excepté lorsqu’on parlait d’argent, il passait, avec raison, pour le personnage le plus aristocratique de Verrières.