L’endroit que personne ne connaît

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Le Premier Ministre était un grand ami du tsar. Ce soir-là, il était invité à diner au palais. Il montra à son hôte l’œuvre d’art qu’il venait d’acheter au marché. Le tsar, qui lui non plus n’avait jamais rien vu de pareil, dit qu’il aimerait en décorer sa chambre. Il en offrit vingt-cinq mille roubles à son Premier Ministre. Celui-ci accepta en se frottant les mains. Il venait de faire un bon coup, et rien ne l’empêchait de retourner voir l’archer et de lui acheter un autre tapis. Le lendemain, il se dirigea vers la cabane de Youri. En voyant son épouse, il demeura si surpris de sa beauté qu’il en oublia jusqu’à son propre nom. Pendant tout le reste de la journée, il ne put effacer de sa mémoire le souvenir de cette jeune femme. Le tsar s’aperçut de sa distraction et lui demanda s’il souffrait de quelque malaise. Il lui répondit qu’il avait vu ce jour la plus belle femme de la terre, l’épouse de Youri, l’archer du tsar. Poussé par la curiosité, celui-ci se rendit à son tour près de la cabane, et il resta caché derrière un arbre un long moment. Il put à son aise dévisager la jeune paysanne, qui plongée dans sa tâche, filait devant la porte en chantant. Le tsar tomba aussitôt amoureux d’elle, et décida d’en faire sa femme coûte que coûte. Cependant, il lui fallait d’abord se débarrasser de Youri. Il convoqua son Premier Ministre au palais, pour ourdir un plan. Celui-ci, avant de prendre une décision, alla consulter la sorcière Baba-Yaga. La vieille femme, assise à califourchon sur son cochon Svinka, l’écouta en silence. Elle suggéra que le tsar envoie Youri sur une mission si difficile qu’il en perdrait sûrement la vie. Elle ajouta qu’il existait sur une île très lointaine, une chèvre aux ailes d’or, qui ne se nourrissait que de miel et buvait des flots de lait. Nul ne l’avait jamais vue. Youri devrait aller la chercher sur un navire si vermoulu, qu’il se romprait à la première tempête. En outre, il faudrait embaucher comme équipage des vauriens et des ivrognes, qui n’entendaient rien à la navigation. Ainsi, le bateau finirait par couler au fond de l’océan, et le tsar pourrait épouser la jeune femme.