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La fugue du Petit Poucet
De Michel Tournier
Avant de commencer à écrire, nous vous suggérons d'écouter au moins une fois la version audio complète avec un débit normal. Vous pourrez soumettre votre texte à la correction après avoir saisi au moins 80 % du texte. Sinon, ce serait trop facile !!
Débit normal
Débit moyen
Débit lent
À part les carottes râpées, Pierre ne reconnaît aucun des plats que les deux sœurs posent sur la table, et dans lesquels tout le monde se met aussitôt à puiser librement. On lui nomme la purée d’ail, le riz complet, les radis noirs, le sucre de raisin, le confit de plancton, le soja grillé, le rutabaga bouilli, et d’autres merveilles qu’il absorbe les yeux fermés en les arrosant de lait cru et de sirop d’érable. De confiance, il trouve tout délicieux. Ensuite, les huit enfants s’assoient en demi-cercle autour du feu, et Logre décroche de la hotte de la cheminée une guitare, dont il tire d’abord quelques accords tristes et mélodieux. Mais lorsque le chant s’élève, Pierre tressaille de surprise et observe attentivement le visage des sept sœurs. Logre pose sa guitare contre son fauteuil, et il observe un long silence méditatif. C’est l’heure d’aller au lit. Au vingt-troisième étage de la tour Mercure, Poucet et sa femme regardent sur leur récepteur de télévision en couleurs, des hommes et des femmes coiffés de chapeaux de clowns qui s’envoient à la figure des confettis et des serpentins. C’est le réveillon de Noël. Pierre est seul dans sa chambre. Il tourne la clé dans la serrure, puis il tire de sous son lit deux grandes bottes molles de peau dorée. Ce n’est pas difficile de les chausser, elles sont tellement trop grandes pour lui! Il serait bien empêché de marcher, mais il ne s’agit pas de cela. Ce sont ses bottes de rêve. Il s’étend sur son lit, et ferme les yeux. Le voilà parti, très loin. Il devient un immense marronnier aux fleurs dressées comme de petits candélabres crémeux. Il est suspendu dans l’immobilité du ciel bleu. Mais soudain, un souffle passe. Pierre mugit doucement. Ses milliers d’ailes vertes battent dans l’air. Ses branches oscillent en gestes bénisseurs. Un éventail de soleil s’ouvre et se ferme dans l’ombre glauque de sa frondaison. Il est immensément heureux.