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La chose qui guérit

de Françoise Mora (Contes du Mississipi)

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John braillait plus fort que les autres. En toute chose, il mettait de l’ardeur. Sa malice, sa grâce, ses gestes toujours vifs malgré son ventre trop rond et son pantalon trop long, l’avaient fait surnommer Zozo, ce qui signifie en créole, petit oiseau. D’ailleurs son passe-temps favori consistait à guetter dans la forêt proche, geais, cardinaux et moqueurs. Ceux-ci étaient en général plus malins que lui. Mais l’innocente nonpareille se laissait mettre en cage. Il allait vite la porter aux enfants du patron, en échange d’une friandise ou d’une pièce de monnaie. Ainsi, grâce à de menus trocs, il parvenait à augmenter ses ressources, qui étaient maigres. Car il était orphelin. Sa sœur Julie travaillait aux cuisines du domaine. Comme au temps où sa mère vivait encore, elle aidait la cuisinière, épluchait les légumes, écossait les haricots, égrenait les groseilles, hachait les piments pour les sauces. Elle polissait aussi l’argenterie, frottait les cuivres, essuyait les cristaux, époussetait les meubles, nettoyait les bottes des messieurs qui rentraient crottés de la chasse. C’était une enfant courageuse qu’aucune tâche ne rebutait, sauf celle qui consistait à couper en menus morceaux les piments-oiseaux, car cela lui faisait pleurer les yeux. Julie avait deux passions. La première consistait à cirer les chaussures des dames. Elle aurait passé des heures dans le réduit prévu à cet usage, à peine éclairé par une petite fenêtre. Elle n’en finissait pas de les faire reluire. Lorsque le cuir fin reflétait la petite fenêtre, Julie s’accordait une minute de récréation. Elle glissait dans la plus jolie paire, ses pieds larges dont la plante rose avait la dureté de la corne. Perchée sur les talons aériens, chancelante, minaudante, elle avançait en saluant d’imaginaires admirateurs. Elle dominait le monde aussi bien que Madame ne le faisait. La seconde passion de Julie, c’était son frère. Elle adorait cet enfant. C’était pour lui qu’elle travaillait si dur. Rien n’était trop bon pour lui. Tous les soirs, elle lui ramenait des cuisines une gâterie, dérobée pendant que la cuisinière regardait ailleurs, ou faisait semblant, car tout le monde, dans le domaine, aimait bien Zozo. Quand, avant de se coucher, il racontait à sa grande sœur comment s’était déroulée sa journée, Julie le regardait avec fierté, comme une mère son enfant. Elle n’avait pourtant que trois ans de plus que lui.