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La morte passa
Contes et légendes du grand siècle, Ch. Quinel et A. de Montgon
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En 1630, vivait à Rome, en dehors de la porte Saint-Laurent, en face de l’antique voie Tiburtine et à proximité de la basilique Saint-Laurent, un sculpteur du nom de Pietro Bambara. C’était un grand artiste, mais dénué du talent de l’intrigue. Il n’avait pas su obtenir des bureaux pontificaux les commandes bien rétribuées pour l’embellissement des églises et des palais. Il se contentait de travailler modestement pour les particuliers. Non loin de l’échoppe adossée au rempart où Pietro sculptait le marbre résistant ou la pierre friable, se trouvait un cimetière. Ce n’était point encore le Campo Verano, un des plus beaux cimetières de la banlieue romaine, qui ne devait être ouvert aux morts que quelques siècles plus tard. C’était, tout près de Saint-Laurent, un campo santo exigu et paisible où les défunts reposaient à l’ombre des cyprès. Les convois funèbres, sortant de Rome et se rendant à la basilique, puis au cimetière, passaient devant la demeure de Pietro. Aussi exposait-il à sa porte, des bustes magnifiquement ornés, des statues de pleureuses artistement drapées ou, plus simplement, des colonnes ou des stèles sur lesquelles il n’y avait plus à inscrire qu’un nom et une date. Les familles éplorées voyaient, en passant, des échantillons d’un art propre à éterniser le souvenir du disparu et à témoigner de leur douleur et de leur pieuse magnificence. Au retour de leur triste pèlerinage, elles ne manquaient pas de s’arrêter chez le sculpteur Bambara, et de lui commander, pour celui ou celle qui désormais reposait en terre bénite, une statue, une urne, un buste ou une stèle, selon leur fortune, l’intensité de leur douleur ou l’importance de leur héritage. Ainsi, en honorant les morts, Pietro gagnait-il sa vie et le campo santo de Saint-Laurent-hors-les-Murs, une des sept basiliques romaines, était-il peuplé de ses œuvres qui en faisaient un lieu de promenade agréable où, le dimanche, les bourgeois et les artisans du quartier de la Porte-Majeure aimaient à venir se délasser. Nous dirons, le dimanche, car en semaine, sauf la distraction que procuraient les convois funèbres, l’endroit était fort solitaire. L’artiste, veuf depuis bien des années, menait une existence austère et frugale. S’il travaillait avec une sorte d’acharnement, s’il passait ses journées et une partie de ses nuits à exécuter des commandes, c’est qu’il voulait amasser un avoir qui permettrait à son fils unique, Paolo, de faire, à son retour dans la Ville Éternelle, un honorable établissement. La perspective de vivre en bourgeois aisé, détournerait peut-être ce fils tant aimé du goût de l’aventure qui le possédait.