La fortune par un bout de ruban

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Elle s’assit devant la glace pour offrir sa tête à l’artiste, mais elle se retourna tout aussitôt en entendant celui-ci pousser un cri de désespoir. Nicolet se frappait le front, fouillait ses poches, balbutiait, soupirait, car, dans sa joie, il avait oublié d’apporter ses outils et il était là désarmé, devant les boucles en désordre. Point de fer, point de peigne, point de lampe et l’heure passait. Il n’y avait pas le temps de retourner chercher ce qui manquait. Des femmes de service furent expédiées à travers le château à la recherche qui, d’un fer, qui, d’une lampe à friser, mais c’était le moment où toutes ces dames étaient à leur toilette et personne ne pouvait prêter ces accessoires indispensables. Enfin une servante réapparut triomphante, ayant trouvé un fer et une lampe chez une dame malade et qui ne devait pas paraître le soir. Presque aussitôt, une autre revint avec un même succès, puis une troisième. Abondance de biens ne nuit pas. Nicolet, enfin rasséréné, s’attaqua à son harmonieuse besogne mais voici que la porte s’ouvrit en coup de vent, et que Madame de Ventadour, toute harnachée et toute parée, annonça que Madame était prête, et qu’il fallait descendre tout de suite. Les cheveux de Mademoiselle de Tontanges lui couvraient encore les épaules. Il fallait une heure pour en réparer le désordre et l’on n’avait pas un quart d’heure, ni dix minutes, ni cinq. Ne pas suivre Madame, c’était ne pas assister au souper, c’était n’être point présentée au Roi, en un mot, c’était le cataclysme. Madame de Clérambault, également sous les armes et cette fois sans son masque, apparut à son tour et leva les bras au ciel. Madame de Beuvron poussait des exclamations à ameuter le palais, les autres filles d’honneur, intérieurement enchantées, ne tarissaient pas en condoléances bruyantes. Mademoiselle de Fontanges avait beau ne pas avoir l’habitude de la Cour, elle était femme, elle était coquette, elle était volontaire, elle voulait être présentée au Roi, et elle le serait. Elle rassembla ses cheveux en une lourde torsade, arracha un ruban rouge de la robe qu’elle venait de quitter, ruban dont la couleur s’harmonisait délicieusement avec le doux reflet de sa chevelure, et elle noua le tout sur le haut de sa tête. Seule Madame de Clérembault sourit en voyant avec quelle grâce les boucles naturelles de la jeune fille encadraient son joli visage. Comme une statue, Nicolet contemplait cette coiffure négligée dont il était cause, et tous ses beaux espoirs s’évanouirent dans son cœur. Vite, vite, pour rattraper Madame, Mademoiselle de Fontanges court à travers les couloirs. Elle a perdu de vue ses compagnes ainsi que ces dames. Elle n’est pas encore bien familiarisée avec la topographie si compliquée de Versailles. Elle se trompe de chemin. Par bonheur, elle croise un officier des Gardes qui la remet dans la bonne route.