Le dindon farci

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Voyez-vous, ce conte est en fait plus une farce qu’un conte. Ce pourrait être la farce du dindon farci, mettant en scène un vieux paysan naïf, nommé Bernard, sa femme Honorine, assez naïve elle aussi, et un bohémien, madré et sans trop de scrupule, surnommé El Gordo. En Provence, les bohémiens et les gens de la campagne vivent en assez bonne intelligence. Sans faire vraiment amitié avec eux, et se tenant toujours sur une prudente réserve, les Provençaux témoignent généralement assez de sympathie à ces nomades, qu’ils voient aller et venir, puis revenir, proposant leurs dentelles, leur pacotille ou leurs paniers. Bernard et Honorine connaissaient bien, et depuis longtemps, El Gordo. Lorsque commence notre histoire, Honorine sort d’un petit cabanon qui, sous un grand platane, près du puits, lui sert de cuisine pendant l’été. Elle tient un dindon qu’elle vient de tuer et va s’asseoir sur le banc flanquant une table de pierre, pour le plumer. Bernard sort de l’auvent avec El Gordo, qui porte quelques corbeilles. Le paysan veut que les paniers que lui tressera El Gordo aient de belles et fortes anses. Il les aura demain, à la première heure. El Gordo aperçoit alors Honorine. Il l’observe longuement. Il contemple le magnifique dindon qu’elle tient sur ses genoux. Un bref sourire s’esquisse soudain sur ses lèvres. Il aimerait bien goûter à ce dindon! Il mijote rapidement un petit plan qui lui permettra de se régaler. Il raconte alors aux deux vieux qu’il a rencontré leur neveu à la ville, la veille. Et que ce dernier lui a annoncé qu’il irait visiter ses oncle et tante le surlendemain, et avec lui, sa femme et leurs 5 enfants. Bien sûr, rien de tout cela n’est vrai, mais il est bon menteur. Misère! Et voilà nos deux vieux en panique. Ils viendront à sept, et ils mangeront tout le dindon! Peut-être même n’y en aura-t-il pas suffisamment pour que les deux vieux puissent en profiter. Ils sont déçus : ils se faisaient une telle fête de ce dindon! El Gordo leur propose un plan. Honorine n’aura qu’à farcir sa volaille ce soir-même et la mettre à la remise pour la nuit. Elle devra en laisser la porte ouverte. Et le lendemain, lorsque leurs visiteurs arriveront, l’oiseau aura disparu. Les deux vieillards crieront au voleur. Le neveu s’en retournera chez lui, le ventre creux, et les deux vieux pourront enfin manger leur dindon. Les deux paysans trouvent l’idée géniale. Honorine fait comme convenu. Et devinez qui aura mangé le dindon?